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03
sept
2012
De 2002 à 2004, un designer a réalisé le graphisme et les illustrations des guides d’achat, imprimés et distribués aux clients, d’une importante société travaillant dans le domaine du bricolage. Ces guides ayant été reproduits sur Internet à partir de 2008, sans son autorisation, le designer saisit le tribunal d’une action en contrefaçon.
Celui-ci, par jugement en date du 16 novembre 2010, fait droit à la demande du designer tout en limitant à 10000 € l’indemnité qu’il lui alloue pour son préjudice patrimonial au motif que les pages incriminées n’auraient été visibles que depuis des adresses URL précises et en le déboutant de ses demandes en réparation de son préjudice moral, né de l’absence de mention de son nom.
Le designer en relève appel.
Par arrêt en date du 23 mars 2012, la cour d’appel :
— confirme le jugement condamnant l’atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur mais substitue, à la somme de 10 000 € qui lui été allouée en première instance, celle de 15 000 €,
— dit qu’il a été porté atteinte au droit moral de l’auteur et lui alloue 5000 € à ce titre,
— confirme le jugement qui lui a alloué 5 000 € pour ses frais en première instance et lui accorde la même somme pour la procédure d’appel, soit, en tout, 10 000 €.
Cette affaire est intéressante à plusieurs titres.
1. L’adversaire contestait la validité du constat d’huissier de justice établi sur Internet, il est vrai, comme on ne le fait plus aujourd’hui, à partir des adresses URL auxquelles les contrefaçons étaient visibles.
Mais l’huissier a bien, comme il devait le faire, selon ce que dit la cour d’appel, vérifié que son ordinateur ne contenait aucun support de mémoire amovible, tel que cédérom, disquette ou clé USB, et que le logiciel de navigation était configuré pour ne pas utiliser de serveur Proxy.
Il a bien effacé les fichiers temporaires, l’historique de navigation, et les cookies, ce qui équivaut à vider la mémoire cache de l’ordinateur. À chaque visite de page, il a vérifié l’existence d’une version plus récente de la page enregistrée.
La cour d’appel relève encore que tous les liens commençaient par http://www. (le nom du groupe en question).fr, que, par suite, ces liens donnaient nécessairement accès au serveur appartenant au domaine de la société en question, que les pages incriminées, œuvre du designer, étaient donc toutes accessibles à partir du site web de la société en question.
Qu’en outre, la société adverse produisait, elle-même, une attestation du prestataire en charge de la conception, de la réalisation et de la maintenance de son site indiquant avoir effacé à la demande de sa cliente, après assignation du designer, les pages visés dans le constat d’huissier de justice, ce qui confirme, dit la cour d’appel, que les pages consultées par ce dernier pouvaient bien être visualisées à partir du site de cette société et qu’elles étaient toujours en ligne à la date du constat.
Ainsi, la cour d’appel confirme le jugement de première instance en ce qu’il a débouté la société adverse de sa demande tendant à annuler le procès-verbal de constat mais, ajoutant au jugement, dit que ces pages étaient bien visibles à partir du site de cette société et pas seulement à partir des adresses URL en question.
2. Cette affaire est intéressante encore pour ce qui est de la cession de droits d’auteur intervenue.
La cour rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle, la cession du droit de reproduction et/ou de représentation d’une œuvre de l’esprit est limitée aux modes d’exploitation prévus par le contrat, tout mode non expressément visé étant réputé non cédé par l’auteur. Le devis de l’auteur porte la mention « droits cédés pour utilisation guide papier durée deux ans ». L’agence de publicité intermédiaire répond dans sa « confirmation d’accord pour les guides » : « droits cédés pour édition seule et pour une durée de cinq ans ».
La cour juge, à juste titre, que, dans cet échange, la seule modification apportée concerne la durée de la cession qui passe de deux à cinq ans mais pas son étendue. Qu’il ressort de la restriction apportée par le designer (utilisation guide papier) et de la confirmation de l’agence (droits cédés pour édition seul) que les cocontractants ne visaient que la reproduction des illustrations sur les guides papier et non sur tout autre support, matériel ou immatériel.
Nous avons ici, en l’occurrence, un bel exemple d’interprétation restrictive des cessions de droits d’auteur : « édition seule », terme employé (en 2002) en réponse à l’expression « utilisation guide papier », ne saurait signifier « édition informatique ».
Le jugement de première instance est ainsi confirmé pour ce qui est de l’appréciation de la cession de droits d’auteur intervenue.
3. Pour ce qui est du droit moral, la cour constate que le nom de l’auteur n’était pas mentionné sur les guides papier et ne l’est pas plus sur Internet.
Elle rappelle que tout auteur d’une œuvre de l’esprit divulguée a droit à la reconnaissance de sa paternité sur celle-ci, qu’il n’est justifié d’aucun usage contraire en matière publicitaire comme soutenu par la partie adverse.
Qu’en admettant que l’auteur ait renoncé à la mention de son nom sur les guides papier, une telle tolérance n’est pas « créatrice de droit » au profit de l’éditeur qui doit bien mentionner le nom de l’auteur.
La cour d’appel infirme, par suite, la décision de première instance et condamne la société adverse pour violation du droit à la paternité de l’auteur.