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Adhérer à l’AFD aide les designers à faire reconnaître leur qualité d’auteur

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En 2007, un membre AFD est redressé par l’administration fiscale pour avoir facturé au taux de TVA réduit (5,5 % avant le 31.12.2011, 7 % après le 31.12.2011) au lieu du taux de TVA normal de 19,6 %. L’AFD le défend par l’intermédiaire de son avocat Maître Alain Poirier, spécialisé en droit fiscal et gagne en 2009 contre le tribunal Administratif d’Amiens. Ce jugement (tribunal Administratif d’Amiens, n°0400410 relatif à l’affaire Damiens), concerne au départ la fiscalité les designers auteurs d’œuvres graphiques rattachés à la sécurité sociale des auteurs Agessa/MDA. Mais il créé une décision d’espèce qui peut bénéficier à tous les professionnels du design qui deviendraient membre de l’AFD. Ce jugement et les commentaires ci-après de nos avocats justifient l’intérêt d’adhérer à notre syndicat, cette adhésion pouvant constituer une présomption de la qualité de designer. En d’autres termes, l’administration fiscale n’a pas la compétence pour juger si l’activité d’un professionnel produit des œuvres de design. L’AFD oui.

Aspect fiscalité de ce jugement –
Commentaire de Maître Alain Poirier,
spécialisé en droit fiscal


Le commentaire ci-dessous s’articule en deux temps. Il tend à démontrer l’impossibilité pour l’administration fiscale d’invoquer l’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle pour motiver une rectification. Il explique que dans la situation particulière où le graphiste répondait aux exigences de l’article L.279 du Code général des impôts, il revenait à l’administration d’établir la preuve que les factures établies aux taux réduits ont pour contrepartie des prestations de service.

Monsieur DAMIENS exerce l’activité de graphiste. Il a facturé ès qualité des concepts graphiques qualifiés d’œuvres d’art originales ou de l’esprit, à ses clients.

Monsieur DAMIENS a déclaré la taxe sur la valeur ajoutée afférente à son chiffre d’affaires au taux réduit sur les cessions de ses œuvres ou de ses droits d’auteur en estimant que ces droits d’auteur appartenaient à ses clients dès leur livraison. ll a émis une facture avec un libellé identifiant le graphisme au taux réduit. Les conditions de forme ont été respectées.

À l’occasion d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a contesté l’application du taux réduit retenu par Monsieur DAMIENS au titre de son activité d’artiste en motivant sa décision par l’article 279 g du CGI mais en se fondant essentiellement sur le Code de la Propriété intellectuelle et donc sur l’absence d’acte de cession des droits. L’administration fiscale a donc effectué un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au taux normal (19,6 %) en lieu et place du taux réduit sur une base légale autre que le code général des impôts. Monsieur DAMIENS a contesté ces impositions en qualité d’artiste qui produit des œuvres de l’esprit dont les droits sont cédés dès leur livraison au client.

Cependant, l’administration, dans une décision de rejet en date du 7 mai 2003, a confirmé sa position : reconnaissant à la production de Monsieur DAMIENS la qualification d’œuvre d’art ou de l’esprit, elle a soutenu que la cession des droits d’auteurs de Monsieur DAMIENS n’est pas conforme à l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle.

ll s’ensuit deux questions de droit :
— La référence à l’article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle peut-elle être invoquée par l’administration fiscale ?
— À qui incombe la charge de la preuve quant au taux de TVA dans le cadre d’une procédure contradictoire ?


I – Sur la référence à l’article L.131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle

L’article 278 septies du Code général des impôts dispose que « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % […] sur les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit ».

Cet article n’est pas suffisamment explicite pour motiver, seul, cette rectification. Le principe d’autonomie du droit Fiscal implique que l’impôt ne peut reposer que sur la loi fiscale dès lors qu’il n’est pas prévu de référence à une loi différente.

L’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »

L’administration fiscale a relevé en 2002 que les factures ne mentionnaient pas la cession des droits de reproduction, et qu’en 2003, seules quelques factures mentionnent un droit de reproduction. La position de l’administration revient à ériger en obligation légale, la mention sur ses factures d’un auteur des conditions de la transmission de ses droits.

Une telle obligation ne ressort ni de la loi fiscale, ni de la jurisprudence.

Or en l’espèce, l’administration n’a pas contesté les faits dans la proposition de rectifications des factures concernant explicitement des créations graphiques clairement désignées. Sauf preuve contraire, les clients bénéficient dès réception d’un droit de reproduction. Il appartient en effet au requérant de protéger ou non et dans les formes qui lui convient ses œuvres graphiques.

Le tribunal Administratif d’Amiens, dans le jugement n°0700410 rendu le 30 décembre 2008, a ainsi considéré que la référence à l’article L.131-1 à L.131-3 du code de la propriété intellectuelle par le code général des impôts est écartée :
« [...] les prestations facturées doivent être regardées comme tendant à la cession des droits patrimoniaux sur des œuvres de l’esprit, au sens des dispositions précitées du g. de l’article 279 du code général des impôts, et ce, sans qu’il puisse être utilement allégué la circonstance que la cession des droits patrimoniaux sur les œuvres considérées ne serait pas mentionnée expressément sur les factures, en méconnaissance des dispositions des articles L. 131-1 à L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle ».

Dans une affaire similaire où seule la référence à l’article L.131-1 du Code de la propriété intellectuelle par le code général des impôts était contestée, le tribunal administratif d’Amiens dans le jugement n°0700392 a rendu le même jour une solution identique :
« [...] les prestations facturées doivent être regardées comme correspondant à la cession des droits patrimoniaux sur les œuvres réalisées par [le requérant], sans que les dispositions des articles L.131-1 a L.131-3 du code de la propriété intellectuelle aient incidence à cet égard. »

Ces deux jugements révèlent ainsi qu’une motivation exclusivement fondée sur l’article L.131-1 du Code de la Propriété Intellectuelle constitue une erreur de droit de l’administration fiscale : le Code de la Propriété Intellectuelle a pour objectif premier de protéger les auteurs et leurs œuvres et non de sanctionner l’auteur de quelque manière que ce soit. Il en résulte que l’administration ne peut donc, sauf si la loi fiscale le prévoit, se fonder sur un code destiné, en outre, à protéger des personnes ou un droit patrimonial.


II — Sur la charge de la preuve

Le tribunal Administratif d’Amiens dans le jugement n°0700410 tranche en faveur de Monsieur DAMIENS en établissant que la charge de la preuve est renversée au détriment de l’administration :
« [...] que, si le directeur des services fiscaux de la Somme fait valoir que les factures présentées par le requérant font état d’un ensemble de prestations de reproduction, de mise en page et d’autres prestations inéligibles au taux réduit de la taxe, il ne résulte pas de l’instruction, faute de précisions supplémentaires apportées par l’administration, que de telles prestations, autres que celles que le requérant a spontanément facturées au taux normal de la taxe, doivent, en l’espèce, être regardées comme dissociables de l’œuvre ».

La question n’était pas évidente, car si la charge de la preuve incombe à l’administration lorsqu’elle prétend assujettir à la TVA les opérations effectuées par un contribuable non redevable, il en va tout autrement d’un redevable qui entend bénéficier du taux réduit, Dans tous les domaines du droit, celui qui se prévaut d’un texte doit prouver qu’il répond aux conditions requises. Or, Monsieur DAMIENS invoquait l’article L.279 du Code général des impôts pour bénéficier du taux réduit de TVA. Pour pouvoir jouir de cette exonération partielle, le contribuable doit apporter la preuve qu’il est un artiste. Graphiste reconnu, et faisant partie du syndicat. sa qualité ne pouvait pas être contestée. De plus, Monsieur DAMIENS a respecté les conditions de forme des factures préconisées par nos soins et ses obligations déclaratives. Les auteurs ne sont pas soumis aux obligations comptables prévues par le Code de commerce. Il restait cependant la preuve de l’exacte contrepartie des factures qui pouvaient comprendre les prestations soumises au taux normal. Or Monsieur DAMIENS a prudemment établi des factures correspondant à chaque taux. Par la suite la contrepartie de chaque facture étant formellement admise par l’administration, le redevable devenait alors dispensé du fardeau de la preuve. Il appartenait à l’administration d’établir la preuve que les factures établies au taux réduit ont également pour contrepartie des prestations de service, ce qu’elle n’a pas fait.

En conclusion le jugement constate que la prestation du requérant est une cession de droit de reproduction qui est éligible au taux réduit de la taxe. Le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité reste sans effet sur la dialectique de la charge de la preuve, les factures étant conformes à la loi pour comptabiliser les recettes. Il s’ensuit que Monsieur DAMIENS est fondé à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003.

La réponse peut donc se résumer ainsi : dès lors que l’entrepreneur est présumé auteur de l’œuvre, il existe une présomption de cession d’un droit si la facture est conforme à la loi fiscale et régulièrement comptabilisée en recettes, le taux réduit trouve à s’appliquer. Au cas d’espèce la qualité du requérant n’était ni contestée, ni contestable. La notoriété de Monsieur DAMIENS et l’adhésion à votre syndicat constituent des présomptions fortes de la qualité d’auteur et donc de graphiste.

La sagesse des juges du Tribunal administratif d’Amiens fait de cette affaire une décision d’espèce pour les graphistes qui peuvent effectuer des prestations soumises au taux normal et bénéficier en toute sécurité du taux réduit.

Vos adhérents pourront donc se référer à cette décision dès lors que les conditions de fond quand à l’activité exercée, et de forme quand aux factures émises et leur comptabilisation seront respectées.



Aspect droit d’auteur de ce jugement – Commentaire de Maître François Lesaffre,
spécialiste en droit de la propriété intellectuelle


L’autonomie du droit fiscal est vraiment étonnante. Maître POIRIER a bien raison de dire avec la cour administrative d’Amiens que l’impôt ne peut reposer que sur la loi fiscale alors que le fisc, loin de la réalité contractuelle, s’appuyait sur l’absence de mention expresse d’une cession de droit pour soutenir que le taux de 5,5 % n’aurait pas été applicable.



Ce qui me fait à nouveau dire que l’intérêt de l’auteur d’une œuvre de commande est de mentionner la cession de droit convenue — pour que le cessionnaire ne vienne pas ultérieurement prétendre qu’elle serait plus large — ce qui facilitera en même temps l’application du taux réduit de TVA.

Les adhérents, à défaut de mention de cession, auront intérêt, en cas de contestation du taux de TVA, à faire valoir cette décision dont l’autorité est celle de la cour administrative d’Amiens. J’ignore si elle est définitive ou si elle a été soumise au contrôle du Conseil d’État.

Adhérer à l’AFD peut certes aider à faire reconnaître sa qualité d’auteur, ce d’autant plus que le designer suivra ses conseils.



TVA et propriété intellectuelle,
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