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Pour une vision politique globale du design (II) – Lettre à Mme Filippetti

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Le designer graphique Malte Martin (membre AFD) adresse à Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, une lettre à propos du concours destiné à arbitrer le choix du visuel de la Journée du Patrimoine par les réseaux sociaux. La publication de cette lettre est une action concertée entre l’AFD et le designer, dont elle soutien la démarche. Elle fait écho à celle de Vincent Perrottet (membre AFD), CL Design et Graphéine (membre AFD) à propos de l’appel d’offres de l’affiche de la Fête de la musique, publiée le 9 mai 2013 dans Pour une vision politique globale du design (I) – Lettre à Mme Filippetti. En outre, l’AFD continue inlassablement de sensibiliser, par un dialogue direct au contact des représentants des pouvoirs publics, à la globalité les problématiques rencontrées par les designers.


Madame la ministre,

Lorsque vous avez été nommée ministre de la Culture et de la Communication vous avez déclaré l’éducation artistique au cœur de votre démarche. Nous, graphistes, avons pu espérer, qu’enfin, de nouvelles générations seraient sensibilisées à l’importance de la création visuelle, aux conditions de production de signes de qualité, à la responsabilité des commanditaires d’instaurer une culture de design et des pratiques dignes pour lutter contre toutes les formes de proliférations visuelles bon marché.

Or nous apprenons en ce qui concerne le visuel dévoué aux « Journées européennes du Patrimoine », que le ministère de la Culture et de la Communication, lui même, décide d’appeler à un concours arbitré sur les réseau sociaux.

Depuis de nombreuses années,  les professionnels que nous sommes, s’acharnent à expliquer que la création visuelle ne se réduit pas aux « goûts et aux couleurs » de chacun et ne peut donc pas être arbitrée par un « j’aime – j’aime pas ».

Le  designer graphique répond à une demande précise dans un dialogue nourri entre le concepteur et le commanditaire. Pour savoir, juger la réponse il faut connaître la question, le contexte, l’objectif à atteindre, et c’est pourquoi nous avons organisé notre profession afin de veiller au respect des conditions de travail appropriées.

Pour aider à la compréhension des règles de la commande graphique des organisations professionnelles ont édité des « chartes ». Un réseau de professionnels s’est mis en place pour intervenir chaque fois en faveur de bonnes conditions d’appels d’offre : des cahiers des charges bien rédigés, cohérents, incluant également l’indemnisation des participants et l’organisation de jurys qualifiés.

Des années d’efforts viennent d’être annihilées par une pratique du ministère de la Culture et de la Communication qui remplace une démarche professionnelle par des simulacres participatifs de « démocratie sondagière ».

Quel conseiller a voulu donner un « coup de jeune » au Ministère en faisant décider des questions de positionnement de l’institution par les réseaux sociaux ? Qui a pu penser « tendance » d’arbitrer des questions de création par des « like it » ?

Ceci en dit long sur la non-compréhension du design graphique dans notre pays par ceux-mêmes qui en conditionnent sa mise en oeuvre.
Après l’enterrement par le ministre du redressement productif Monsieur Arnaud Montebourg du projet du Centre National du Design,  Madame la ministre vous confiez la question de la création graphique aux utilisateurs des réseaux sociaux.
Ne nous faites répondre par les mêmes conseillers que vous avez fait tout ça pour « populariser » la création graphique via les réseaux sociaux et pour « sensibiliser le public ».
S’il en est ainsi, allez plus loin alors : demain soumettez  aux réseaux sociaux également les concours d’architecture et pourquoi pas un jours les projets des candidats des Centres Dramatiques nationaux et autres Centres d’Art. Il ne sera plus nécessaire que des commissions qualifiées fassent des choix, en quelques « like it » tout sera joué.

On pourrait ainsi « décentraliser » en mode « participatif » l’essentiel de vos responsabilités. Si l’on voulait donner des armes à ceux qui prônent la dissolution du ministère de la Culture et de la Communication c’est précisément ainsi qu’il faudrait s’y prendre.

La France est en retard du point de vue de la culture de commande du design graphique. Donner les moyens pour comprendre la responsabilité de la création visuelle permet de ne pas rajouter la misère des signes aux signes de misère.
Au ministère de montrer alors l’exemple !

Vous annoncez votre patronnage pour la première Fête du Graphisme début 2014. C’est un bon cap pour changer jusque là les pratiques du ministère et inciter ainsi d’autres commanditaires à vous suivre.

Je vous prie d’agréer, Madame la ministre, l’expression de ma haute considération.

Malte Martin


Télécharger la lettre de Malte Martin