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Portrait de l’artiste en travailleur – Métamorphoses du capitalisme

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Auteur : Pierre-Michel Menger, 2002
Le temps n’est plus aux représentations héritées du XIXe siècle, qui opposaient l’idéalisme sacrificiel de l’artiste et le matérialisme calculateur du travail, ou encore la figure du créateur, original, provocateur et insoumis, et celle du bourgeois soucieux de la stabilité des normes et des arrangements sociaux. Dans les représentations actuelles, l’artiste voisine avec une incarnation possible du travailleur du futur, avec la figure du professionnel inventif, mobile, indocile aux hiérarchies, intrinsèquement motivé, pris dans une économie de l’incertain, et plus exposé aux risques de concurrence interindividuelle et aux nouvelles insécurités des trajectoires professionnelles. Comme si, au plus près et au plus loin de la révolution permanente des rapports de production prophétisée par Marx, l’art était devenu un principe de fermentation du capitalisme. Comme si l’artiste lui-même exprimait à présent, avec toutes ses ambivalences, un idéal possible du travail qualifié à forte valeur ajoutée.

« Chacun s’accorde aujourd’hui sur le fait que le savoir et l’innovation sont la condition majeure du développement des sociétés. Or, il existe deux mondes qui font de ces ressources leur alpha et leur oméga : les arts et la recherche scientifique et technique. Ces mondes sont-ils le résultat d’une spécialisation de l’activité humaine qui déléguerait à quelques-uns le soin d’enrichir les connaissances et d’inventer des œuvres propres à satisfaire le besoin de nouveauté et de divertissement ? Ou bien nous apprennent-ils quelque chose de plus général sur les meilleurs moyens, pour une société, de mobiliser sa créativité ? »

« Cette interrogation sur la singularité ou, au contraire, l’exemplarité des arts et de la recherche scientifique nous ramène à une énigme à la fois ancienne et centrale : l’activité de création est-elle à proprement parler un travail, auquel cas ses processus et ses modes d’organisation économique et sociale seraient transposables à d’autres mondes de production ? Ou bien relève-t-elle de conditions si exotiques qu’il faudrait la considérer comme un ailleurs du travail, voire comme son envers? »

Éditeur : Seuil, collection La République des idées