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Aéroport Lyon-Saint-Exupéry/Cité du design de Saint-Étienne ne respectent ni le CMP ni la déontologie des designers

Liste noire Appels d’offres-Concours-Crowdsourcing | 7 commentaires
Une consultation pour la conception et réalisation d’un pôle d’information touristique pour l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry exige la proposition d’un avant-projet à l’issue d’une présélection. Cette demande « implique un investissement significatif pour les candidats » et doit « donner lieu au versement d’une prime » (article 49 du Code des marchés publics [CMP]). Pourtant, l’annonce spécifie bien qu’« il n’y aura pas d'indemnisation des candidats ayant remis une offre » (annonce No 12-231781). Ces termes sont scandaleux venant de la part d’une entité adjudicatrice soumis au CMP. Ils le sont d’autant plus que, la Cité du design de Saint-Étienne, signataire d’un texte d’introduction de la Charte AFD des marchés publics de design, dont une des missions est « d’assurer le développement du design auprès des acteurs économiques et sociaux » en valorisant « une meilleure intégration du design au sein des collectivités par la diffusion des appels à projets et la communication sur les bonnes pratiques » (www.citedudesign.com), a participé à la conception de cette consultation et qu’elle en diffuse l’annonce.

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Les faits

I.
L’AFD, depuis longtemps présente aux côtés de la Cité du design de Saint-Étienne, entretien avec elle des relations naturelles de partenaire, entre représentant des praticiens du design et organismes qui en font la promotion.

L’annonce est parue au Bulletin officiel des annonces de marchés publics Boamp.fr le 28 novembre 2012 et diffusée par la Cité du design de Saint-Étienne. Des designers s’en plaignent auprès de l’AFD, qui adresse un courriel le 29 novembre la Cité du design pour attirer son attention sur le fait qu’elle diffuse une consultation contraire à la charte des Appels AFD des marchés publics, publiée et soutenue par nos ministères de tutelles, Industrie, Culture et Redressement productif.

Nous écrivons que l’on ne peut condamner la méconnaissance d’un aéroport en matière de design, mais que nous regrettons l’écho fait à cette annonce et nous espérons que la Cité aura à cœur, en tant qu’acteur du secteur, de redresser cette situation par l’exemple et la pédagogie. Nous lui demandons :
— d’informer la société Aéroports de Lyon que leur appel d’offres n’est pas conforme à la charte des appel d’offres ;
— de former une personne au sein de la Cité établissement afin d’identifier et de ne plus diffuser ce genre d’appel d’offres auprès de notre profession.

Dans une réponse le 4 décembre à notre courrier, M. Ludovic Noël, directeur général de la Cité du design nous écrit qu’il prend bonne note de nos remarques et développe ses arguments, que nous citons ci-dessous dans leur intégralité pour ne pas dénaturer le propos :
« Cependant, il est important d’intégrer ici qu’il a été très complexe d’amener ADL à introduire les designers en qualité de maître d’ouvrage dans un tel marché, et de les inciter alors à diffuser cette offre dans le réseau de designers et non uniquement au sein de leur réseau habituel de prestataires de communication et aménagements intérieurs. Il s’agit ainsi de ne pas laisser passer une opportunité intéressante pour les designers de se faire connaître auprès d’un tel commanditaire et de répondre à ce type de projet permettant de se positionner en chef de projet gérant des équipes pluridisciplinaires. »

« Cette offre est finalement accessible aux designers suite à un long travail des équipes de la Cité du design, impliquant plusieurs rencontres avec les différentes équipes impliquées dans le projet, et des efforts important de pédagogie et de conseils. ADL a accepté ainsi de retarder le lancement de son offre pour intégrer les conseils de la Cité du design. »

« Lors de ces différentes rencontres, nous avons précisé à ADL les procédures et principes associés à ces consultations d’ampleur. Néanmoins, si le statut d’ADL aujourd’hui (la CCIT s’étant retirée de sa gestion depuis 2005), ne l’oblige pas à agir selon une politique de marchés publics, la société y est tacitement soumise du fait de la concession d’Etat dont elle est responsable, et souhaite poursuivre en ce sens en s’imposant une politique d’achat et de gestion prestataire rigoureuse, respectant scrupuleusement les règles des marchés publics. Nous ne pouvons pas les blâmer pour cela. »

« Pour la conception de Pôle d’information Touristique, ADL a souhaité ainsi ne pas procéder différemment de son processus de sélection habituel, dans lequel l’indemnisation des candidats non retenus après la deuxième sélection (réponse aux cahiers des charges) n’est pas prévue. Ils n’ont pas désiré considérer un appel aux designers différemment d’un appel à d’autres prestataires, malgré nos recommandations. Considérant qu’ils ont été informés de ces principes, mais n’ont pas souhaité les retenir, nous estimons que leur choix est à respecter, d’autant plus qu’il s’intègre dans leur stratégie d’achat général. »

« Nous avons ainsi choisi de ne pas laisser passer une opportunité de rendre accessible une référence de cette qualité et un chantier de cette ampleur à 430k€ aux designers, plutôt que d’insister pour garder ces critères de dédommagement au risque de contraindre ADL à renoncer à la diffusion de son appel au réseau de designers. »

« Concernant la première phase de sélection des entreprises, il n’est pas demandé de présenter un pré-projet mais une lettre d’intention, décrivant motivations et approches d’un tel projet comportant de nombreuses compétences de gestion de chantier. Les critères de sélection sont clairs et sans ambiguïté. »

« En deuxième phase, le cahier des charges de la consultation sera adressé à une short list de 4 à 6 candidats sélectionnés sur ces critères, qui sont effectivement invités à remettre une offre, non rémunérée. Les conditions de production de l’offre sont clairement exposées aux candidats. Libre aux designers intéressés, il nous semble, de saisir l’opportunité de faire connaître leur travail et leurs compétences à ADL, et de décrocher un marché d’ampleur, en s’investissant dans la présentation de leur offre à la hauteur des espoirs qu’ils mettent dans cette consultation. »

« Plusieurs designers nous ont d’ores et déjà remerciés pour la diffusion de cette consultation, qui leur est apparue comme une réelle opportunité et une belle avancée de pouvoir intégrer le design dans une structure non habituée à ce public. »

« La Cité du design se doit d’assurer au mieux la promotion des métiers du design, tout en accompagnant au plus juste les entreprises qui nous sollicitent. Nous estimons avoir agi dans ce sens dans le cadre du cas discuté ci-dessus. »


II.
Tout en reconnaissant les efforts effectués par la Cité, nous regrettons son absence de concertation en amont auprès de l’AFD pour l’aider, qui met l’AFD devant un fait accompli difficile à soutenir et qui décrédibilise notre volonté d’agir en partenaires.

En tant que commissaire de l’exposition JE • VOUS • DESIGN à la prochaine Biennale internationale design Saint-Étienne (14 au 31 mars 2013), avec pour thématique « L’empathie ou l’expérience de l’autre », l’AFD se rend à la conférence de presse du 6 décembre à Paris. Elle y réitère ses demandes auprès de M. Ludovic Noël, en proposant l’exemple d’indemnisation suivant pour raisonner l’Aéroport de Lyon et sortir du litige, confirmé dans un email du 12 décembre :
— En allouant 2,25 % d’un budget de 400 000 € cela fait 9000 €, de quoi indemniser 3 compétiteurs à 3000 €, le 4e, le gagnant, récupérant le solde du marché. Soit 4 designers (ou équipes) en compétition, sélectionnés sur qualifications (cf la Charte).
— Ou : 6000 € (soit 1,5 % du budget) pour indemniser 2 compétiteurs, le 3e étant payé sur le solde du marché, permettrait une compétition à 3 designers (ou équipes) sélectionnés sur qualifications.

Devant l’absence de réponse de la Cité, nous rappelons le 11 décembre dans un courriel que :
— aucun représentant de la profession de designer n’a été impliqué dans ce processus de consultation
— la Cité a signé un texte d’introduction de la Charte AFD des marchés publics de design et que ses principes ne se limitent pas aux marchés publics,
— l’argument de la liberté de chacun utilisé dans le paragraphe qui commence par "En deuxième phase…" ne tient pas, étant de la même logique que d’admettre que chacun est libre de commettre un crime s’il n’est pas vu pas pris…
— enfin, cet appel d’offres est contraire au Code de déontologie des designers (lire le paragraphe Droit dans Où va la Cité ? ci-dessous), les designers sont de fait passibles d’une action en justice de la part de l’AFD.


III.
Suite à une série d’entretiens au téléphone, la Cité nous adresse le 17 décembre à 10h ce courriel :
 
« L’appel d’offre publié par les ADL a demandé aux prestataires intéressés, dans une première phase de sélection, d’envoyer une note d’intention, avec références et compétences. Rien de non conforme, et une opportunité d’ouvrir un marché. Cet appel se termine lundi 17 dec à 12h.

Les ADL ont prévu dans une seconde phase, qui n’a pas encore été lancé, puisqu’ils attendent le retour de l’AO publié, de sélectionner 4 ou 6 entreprises ou groupements. Le marché est avant tout, ciblé vers leurs prestataires habituels, architectes, agences d’aménagement d’espace, qui répondent à leurs offres, avec leurs règles de fonctionnement. Toutefois, comme la Cité du design les a fortement incité à ouvrir ce marché aux designers, et pour répondre à votre demande, nous proposons d’intervenir auprès de ADL pour savoir si des designers ont répondu à l’appel d’offre publié. Nous leur ferons alors part de votre proposition d’indemnisation (…) et du respect du code de déontologie des designers (ce que nous avons déjà fait bien sur). Nous vous tiendrons informés.

Prévoyons une rencontre en Janvier, avec les différentes personnes de la Cité impliquées, afin de poursuivre nos missions respectives. Merci de nous faire des propositions de date pour caler nos agendas. »

Auquel nous répondons le même jour :
 
Monsieur le directeur général de la Cité du design de St-Etienne,

suite à nos échanges depuis le 29 novembre à propos de cet appel d’offres, nous vous informons que nous ne sommes en total désaccord avec l’actuel positionnement de la Cité. Il s’agit bien d’un marché public en contradiction avec le texte d’introduction signé de la Cité du design dans la Charte AFD.

Malgré notre alarme, nous n’avons aucune garantie d’indemnisation dans la seconde phase (le litige ne portant pas sur la première phase, une lettre de motivation étant acceptable).

Vous mettez l’AFD dans une position de complice intolérable. Ce n’est pas ainsi qu’agissent nos autres partenaires. Nous ne pensons pas que vous défendiez le travail des designers par cet exemple.

En conséquence, nous vous informons que nous sommes contraints de publier dès demain après midi une lettre ouverte à la Cité en réponse à cet appel d’offres, que nous blacklisterons a posteriori, afin d’expliquer notre profond désaccord, outre en France auprès des ministères de la Culture et de l’Industrie, de l’Ordre des architectes, de l’APCI…), à l’international : BEDA, ICSID, ICOGRADA, IDA, ACE et Unesco entre autres.
 


Lettre ouverte : Où va la Cité ?

Énergie non durable
L’AFD, comme toutes les associations professionnelles dans le monde, représentées notamment par ACE, l’IFI, l’ICSID, ICOGRADA, et le BEDA (dont la Cité est membre !) savent qu’un client qui ne comprendrait pas qu’il est normal de rémunérer les avant-projets des architectes et des designers, ne serait pas en mesure de mériter l’énergie que déploie un organisme comme la Cité pour introduire du design dans son projet, et que tôt ou tard, la relation entre le client et le designer ou l’architecte ne se déroulerait pas comme il conviendrait et serait porteuse de litiges.

Perte de temps
Cette aventure montre bien que l’on ne peut pas tordre le bras de l’éthique professionnelle, au risque de retombées plus néfastes que l’abandon pur et simple d’un “client réfractaire”.

Rôle
Un organisme public ne peut aller contre l’éthique d’une profession et il ne lui appartient de définir l’éthique de la profession de designer. C’est le rôle des syndicats professionnels.

Charte
On ne peut pas, sous couvert d’opportunité, bafouer la déontologie d’une profession dont on dit vouloir la promouvoir.

Marché public
C’est publié au BOAMP, c’est donc bien un marché public (CQFD !).

Déontologie
L’AFD est-elle légitime à édicter un code de déontologie ? OUI. Ce code est conforme aux meilleures pratiques édictées par les organismes internationaux de référence que sont l’ACE, l’IFI, l’ICSID, ICOGRADA, le BEDA. L’AFD a, à ce sujet, reçu les félicitations de l’ICSID pour son travail accomplit et il fait déjà référence auprès de nombreux professionnels et étudiants en France et au-delà, comme à la très réputée School of Arts, Design and Architecture-Aalto University d’Helsinki.

Même combat
Dès juin 2006, le travail spéculatif est dénoncé par l’AFD et le Conseil national de l’ordre des architectes, qui avaient interpellé ensemble le gouvernement pour qu’il introduise dans l’article 49 du CMP la notion d’indemnité pour le travail intellectuel exigé lors d’appels d’offres. Lire Marchés publics : l’AFD et le Conseil national de l’ordre des architectes alertent les pouvoirs publics.

Droit
Un designer (ou un groupe de designers) “vertueux” qui respecterait ce code en ne répondant pas aux appels d’offres non indemnisés, du secteur public ou du privé, serait en droit de porter plainte, y compris à travers l’AFD, contre un confrère “peu scrupuleux” qui y répondrait, au motif de distorsion de la concurrence et de pratiques déloyales. Un juge pourrait consulter le code de déontologie pour fonder son jugement. Il pourrait aussi se fonder sur cette réponse ministérielle du 3 octobre 2006 - Ministère de l'Économie, JOAN page 10351 :
« Note de la Direction des Affaires Juridiques du Ministère de l’économie. L’absence de versement de primes pourrait avoir pour effet de restreindre les marchés aux seuls candidats capables de supporter financièrement leur élaboration sans contrepartie. La prime permet à des petites structures d'accéder à la commande publique par la réduction des charges nécessaires à la réalisation d'une esquisse ou d'un projet. Elle est un des éléments garantissant l’efficacité de la commande publique par la préservation d’un marché concurrentiel. Le pouvoir adjudicateur doit évaluer un niveau de prime suffisant qui permette de garantir le respect des principes de la commande publique, et notamment ceux de la libre concurrence et de l'égalité de traitement des candidats. Seule une rémunération sérieuse des partenaires économiques garantit une véritable mise en concurrence. »
 
Empathie non renouvelable
« L’empathie est un mécanisme par lequel un individu peut ressentir, éprouver, comprendre les émotions, les sentiments, voire les croyances d’autrui. » (www.citedudesign.com) Nous, praticiens du design au quotidien, sommes toujours très surpris de la façon dont certaines structures financées par l’argent public souhaitent notre bien à n’importe quel prix.

Pédagogie
Par cet exemple et les arguments qu’elle développe, la Cité montre aux étudiants en design et aux designers qu’il est opportun d’offrir ses idées gracieusement en perspective d’un contrat. Cela s’appelle du travail spéculatif et cela est proscrit par l’ensemble des organismes professionnels des designers et l’ordre des architectes parce que c’est contraire à leur déontologie.

Bras armé
« Au cœur du grand projet Rhône-Alpes Le design dans la cité, la Cité du design devient le bras armé des acteurs publics. » (www.citedudesign.com) Contre qui ?

Direction
Manque-t-on de designers au directoire de la Cité du design ?

Renoncement
La contrepartie équitable à toute proposition d’idée tangible est le sujet central de l’AFD depuis 10 ans. Il n’a fallu qu’un an à la Cité pour renoncer à son texte d’introduction de la Charte AFD des marchés publics de design.

Opportunité
Par cet exemple, la Cité défend ses intérêts et non ceux du design.