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Mémoire “Pour une politique de design” : analyse et propositions de l’AFD

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Nous nous réjouissons de l'existence de la Mission design et nous remercions M. Cadix pour sa qualité de son mémoire. L’AFD soutien l’ensemble des propositions qui y sont présentées et, ayant pris le temps de la réflexion et de la concertation, souhaite apporter une contribution en proposant une hiérarchisation à court, moyen et long terme des actions clés qui y sont décrites et en apportant quelques remarques et compléments.



Remarques générales

« Le design ne peut être considéré comme une branche d’activités, une filière de type industriel, il est une fonction, il est un métier, il est transversal aux branches et secteurs » (page 25 du rapport). L’AFD croit au contraire que le design, à l’instar de l’architecture ou du cinéma, est un secteur économique à part entière.
Il regroupe selon les estimations 50000 à 60000 praticiens. La projection de l’AFD comparée à la Belgique, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède est de 80000 à 100000 professionnels.

L'évolution du code NACE 74-10 en 2008 au niveau européen en atteste. Dans les pays mentionnés ci-dessus, ainsi qu'aux États-Unis (le candidat Barack Obama ayant, dès sa première campagne présidentielle, initié une “mission design” regroupant les corps enseignants et professionnels du design et de l'architecture), des “directions du design” ont vu le jour, parfois dès la reconstruction après la seconde guerre mondiale. Appuyées par les gouvernements, elles ont pour objectif de développer ce secteur, entraînant ainsi une dynamique économique bénéficiant à d'autres comme le rapport l'indique.

Le rapport s’oriente donc « naturellement » vers des solutions visant à favoriser le recours au design par les donneurs d’ordre et place le secteur et sa structuration naissante au second plan. Il place également la profession comme passeur de technologie alors que son spectre d'action est beaucoup plus large. Nous notons à cet égard que les aspects sociaux et environnementaux — le design pour le bien public — sont abordés de manière trop elliptique et que le design n'est compris que dans sa dimension industrielle, le “produit”, et oubli le message et l'espace.

Par ailleurs, l'AFD soutient une vision du design en tant que profession constituée de trois grands groupes de disciplines — espaces, produits, messages (la classification internationale) — permettant ainsi un enrichissement et une valorisation de la dimension « métier » du design.

Parallèlement aux propositions, il est indispensable de mettre en place un système d’évaluation des actions et de la performance de celle-ci en termes de création de valeur et d’emplois.


Remarques sur les propositions du rapport

Il nous semble intéressant de classer les objectifs énoncés selon leurs retombées évaluées à court (1 à 2 ans) moyen (5-10 ans) et long terme (> 10 ans).

En croisant ces objectifs, coûts et « délais de retour sur investissements », cela permettrait d’apprécier leurs pertinences et de répartir les moyens en fonction des objectifs recherchés.


Remarques pour chacune des dix propositions

1. Mise en place de résidences de designers dans un grand nombre de pôles de compétitivité et la plupart des grappes d’entreprises labellisées par le DATAR.
C’est un aspect à moyen terme très orienté technologie que l'AFD soutien.

2. « Mobilisation générale » coordonnée de tous les acteurs sur le terrain, en interrelation avec les entrepreneurs, pour la diffusion de la démarche design.
C’est un aspect à court terme orienté économie réelle que l'AFD soutien. Il nous semble particulièrement important que ce projet soit sous le contrôle systématique de praticiens du design pour éviter toute dérive théorique discréditant la profession.

3. Introduction chaque fois que cela est possible dans les appels à projets de recherche et/ou d’innovation, venant du secteur public, de la dimension « usages et design ».
C’est un aspect à court terme orienté économie réelle que l'AFD soutien. Nous suggérons d’associer systématiquement à ces appels à projet la Charte des Appels d’Offres AFD signée par le Ministère de la Culture et approuvée par le Ministère du redressement productif.

4. Ouverture du crédit d’impôt aux dépenses de design des PME ; intégration des dépenses de design dans les aides a l’innovation apportées par Bpifrance.
C’est un aspect à court terme orienté économie réelle que l'AFD soutien.

Cependant le montant de 400 000 € et 20 % de CIR correspondent aux ETI (Entreprise de Taille intermédiaires, 50<500 personnes) et au-delà. Ces sociétés investissent déjà dans le design, elles connaissent son importance, son coût et sa valeur ajoutée. Cette mesure risque donc de devenir qu'une aubaine fiscale et non une incitation au design facteur de compétitivité.

Les montants retenus négligent le cœur des PME/PMI (< 50 personnes) qui ont le plus besoin de ces incitations. Les PME/PMI sont le champ de progression le plus important en terme d’emploi et dont la valeur ajoutée par emploi et la plus faible. En orientant vers les PME et afin d'éviter tout dérapage budgétaire, on pourrait limiter par exemple le montant à 50 K€ en augmentant son pourcentage à 50%. Une PME de 40 personnes, avec 4M€ de CA fera le pas dans ses conditions.

Ces conditions pourraient être mises en place par une expérimentation dans un seul département pilote en 2014 pour une généralisation "éclairée" courant 2015. Et afin de rendre cette aide vraiment efficace, elle devrait être simplifiée au maximum, c’est-à-dire sans réalisation de dossiers complexes, généralement sous-traités à des cabinets « chasseur de prime ». Ce serait aussi une application concrète du « choc de simplification » !

5. Création de « plateformes Roger Tallon / recherche technologique, design, ingénierie » dans sept ou huit communautés d’universités et d’établissements (ex PRES).
C’est un aspect à moyen terme très orienté technologie que l'AFD soutien.

6. Développement de la recherche sur l’articulation entre design / économie et société / technologie (contrats doctoraux et post doctoraux).
C’est un aspect à moyen terme orienté secteur que l'AFD soutien. Nous rappelons qu'actuellement, contrairement à de nombreux pays, la France ne dispose pas de laboratoire de recherche en design et qu'il n'existe pratiquement aucune structure à même d'accueillir des équipes de recherche en design et par là contribuer à son rayonnement à l'international.

7. Développement du volet design dans l’éducation artistique et culturelle.
C’est un aspect à moyen/long terme orienté société que l'AFD soutien.

8. Mise en place d’une éducation technologique et industrielle pour tous ; renforcement du potentiel des écoles de design.
C’est un aspect à moyen/long terme orienté société économie réelle que nous soutenons totalement. Nous tenons aussi à apporter une précision importante, le design n’est pas l’industrie ni la technologie, c’est l’homme, ses usages, sa perception et son environnement. Si une amélioration des connaissances des outils que représentent la technologie et l’industrie sont importants, ils demeurent des moyens et non des objectifs. La mise en place d’une éducation aux aspects sociaux et environnementaux du design doit être parallèlement renforcée.

9. Reconnaissance du design dans le Programme des investissements d’avenir (PIA) afin d’obtenir une dotation dédiée.
C’est un aspect à moyen terme orienté économie réelle que l’AFD soutien.

10. Création de la fondation pour le Design associant la sphère publique et la sphère privée dans le financement de la politique nationale de design.
C’est un aspect à moyen terme orienté économie réelle que l’AFD soutien.


Remarque sur certaines actions décrites dans le rapport

1. Organisation bisannuelle des « Rendez-vous du design » à Paris pour la présentation d’Objets de la Nouvelle France Industrielle.
Il nous semble que la « Nouvelle France Industrielle » correspond à l'ensemble du territoire, une manifestation de ce type gagnerait à être organisée dans plusieurs villes de France, orientée vers les PME, donc porter des produits de PME. Les innovations de l'immatériel pourraient aussi être concernées.

2. La mise en place sur tout le territoire national de la fonction de diffusion et d’accompagnement.
L’accompagnement d’entreprise privée nécessiterait un suivi par les professionnels et ne saurait être laissé à l'unique contrôle d'organismes para-publics. Cela risquerait d'être contre-productif à terme. Nous proposons que des designers praticiens soient intégrés au sein des conseils d'administration de ces organismes.

8. Diffusion et promotion du « designed in France ».
Nous souhaitons attirer l'attention sur ce point particulier. En effet, le « designed in France » n'implique pas l'ensemble de la chaîne, de la conception à la réalisation. La qualité des réalisations de design est aussi due aux tissus d’entreprises industrielles. Le propos de l’AFD ne se veut en aucun cas nationaliste, mais les praticiens du design viseraient plutôt un renforcement des liens avec les industries et entreprises françaises et européennes. Nous sommes conscients des limites et des effets d'annonce mais il nous paraîtrait important de promouvoir et d'encourager le développement d'un « designed & made in France ». Les fondements du design visant à l'amélioration des conditions de vie de tous, cette position renforcerait la prise en considération d'un design responsable en y associant les autres acteurs économiques locaux, nationaux et européens.

9. Actions d’accompagnement professionnel et de formation continue des designers. Inciter les associations de designers à se regrouper en une confédération.
La structure existe déjà depuis dix ans, c'est l'AFD. Nous rappelons que l'AFD est née de la fusion des quatre instances nationales historiques et représentatives du design en France : le Syndicat national des designers d'environnement-SDE, le Syndicat national des graphistes-SNG, l’Union française des designers intudtriels-UFDI et le Syndicat national des designers textiles-SNDT. Notre représentativité de la profession, sous toutes ses formes juridiques d'exercice et ses disciplines n'est plus à démontrer.

10. Actions spécifiques contribuant à la reconnaissance du designer et au renforcement de son statut.
L’AFD est volontaire pour porter le chantier de la reconnaissance d’un titre de designer protégé. Nous rappelons que dès 2005, l'AFD et ses partenaires français et européens avaient travaillé sur le sujet à travers le projet Leonardo.


Points non abordés dans le mémoire

1. La protection des œuvres de design. Le design et sa production font partie de la valeur de l’économie française, il est important de protéger ce capital. La protection industrielle doit s'accompagner d'une valorisation de la protection intellectuelle des designers. En relation avec le ministère de la Justice, une sensibilisation des juges aux modèles et à la protection des œuvres de design doit être mise en place.

La nomination de designers en tant qu’experts auprès des tribunaux doit être favorisée.

2. Nous souhaitons continuer la réflexion sur la création d'un Ordre des designers, qui pourrait être nécessaire si la profession devait être protégée et réglementée.




Lire plus : notre article à propos de la présentation de ce mémoire,
Les Rendez-vous du design #2 “Pour une politique de design” : enthousiasmants et prometteurs