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Expertise juridique : l’exclusion des designers de la sécurité sociale des auteurs peut être prétendu illégale

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L’AFD a confié à Philippe Langlois, agrégé des Facultés de Droit, Professeur Émérite à l’Université Paris-Ouest Nanterre-La-Défense, Avocat à la Cour, l’expertise du champ d’application de la Maison des artistes.


Note exploratoire sur l’appartenance des designers au régime artistes auteurs de la Sécurité sociale. Par Philippe Langlois


L’article R 382-2 du Code de la sécurité sociale réduit anormalement le champ du régime des artistes auteurs.

L’alinéa 1er de l’article L 382-1 du Code de la sécurité sociale prévoit que « Les artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques, sous réserve des dispositions suivantes, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés ».

Les designers entrent dans le champ de ce régime, puisqu’ils sont des auteurs graphiques et plastiques.

Il est en outre acquis qu’ils entrent dans le champ d’application de l’article L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle aux termes duquel : « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».

Dans une énumération non limitative, l’article L 112-2 du Code de la propriété intellectuelle fait du reste figurer les « œuvres d’art appliqués » parmi les œuvres de l’esprit.

La Cour de cassation a ainsi considéré le 11 février 1997 (n° 95-11.605) qu’une « forme de bouton représentant un nœud de marine » pouvait recevoir la protection des droits d’auteurs, l’article L 112- 2 du Code de la propriété intellectuelle protégeant « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels que soient le genre, le mérite ou la destination, à la seule condition que ces œuvres présentent un caractère original »

De même elle a, le 12 mai 2011 (n° 10-17852), censuré au visa de l’article L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle un arrêt ayant refusé de considérer que le site internet de la société Vente.corn n’était pas de· nature à caractériser l’originalité du site, considérant ainsi que ce site pouvait constituer une œuvre de l’esprit protégée en tant que telle.

Cependant l’article R 382-2 du Code de la sécurité sociale restreint le champ d’application de l’article L 382-1 du Code de la sécurité sociale en prescrivant qu’entrent dans le champ d’application régime des artistes auteurs, les seuls « auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques telles que celles définies par les alinéas 1 ° à 6° du Il de l’article 98 A de l’annexe Ill du code général des impôts ».

Les alinéas 1 °à 6° du li de l’article 98 A de l’annexe Ill du code général des impôts régissent la TV A portant sur des objets matériels.

L’article 278-0 bis du Code général des impôts prévoit en effet un taux préférentiel de 5% pour « Les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit » (§ F 3°).

Ce texte vise donc une œuvre d’art se matérialisant par un objet qui peut faire l’objet d’une livraison.

Ce ne peut être le cas de l’œuvre d’un designer. Même si elle se traduit par un objet matériel, la rémunération ne porte pas sur la livraison de cet objet, mais sur la cession des droits résultant de la création originale de cet objet. C’est cette cession qui est soumise à TVA.

Aussi bien l’article 98 A de l’annexe ne fait figurer dans son 3° que les productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l’artiste ; fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste ou ses ayants droit ».

De ce fait, l’article R 382-1 du Code de la sécurité sociale restreint le champ prévu par l’article L 382-1 du Code de la sécurité sociale réservant le régime des artistes auteurs aux seuls auteurs dont la création se manifeste par un bien matériel susceptible de faire l’objet d’une livraison. Il peut donc être prétendu qu’il est illégal.

Il devrait donc être demandé aux Pouvoirs publics de le réécrire.

Il est aussi possible de se prévaloir de son illégalité. Sans doute, celle-ci ne peut être prononcée directement puisque plus de deux mois se sont écoulés depuis que le décret dont résulte l’article R 382-1 du Code de la sécurité sociale a été publié. Mais il est toujours possible de demander sa nullité par voie d’exception à l’occasion d’un litige.

Dès lors que l’article R 382-2 du Code de la sécurité sociale sera opposé à un designer, il devrait lui être possible de s’opposer à l’application de ce texte.

Il semble difficile en revanche d’envisager de poser une question prioritaire de constitutionnalité. Seule une loi peut faire l’objet d’une telle question, la remise en cause d’un décret appartenant à la compétence du Conseil d’État.

À moins de considérer que les dispositions de l’article L 382-1 du Code de la sécurité sociale sont trop restrictives, car il n’envisage que les œuvres graphiques et plastiques, ce qui est loin d’être évident.

Télécharger la Note exploratoire sur l’appartenance des designers au régime artistes auteurs de la Sécurité sociale, de Philippe Langlois
 

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