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Organiser un concours public pour doter une région d’un logo : la bonne affaire ?

Actualité | 1 commentaire
En région Centre-Val de Loire et en région Hauts-de-France, on aime les cœurs et les noms bien alignés à gauche sous le visuel… La ressemblance de ces deux logos est vraisemblablement produite par le manque d’originalité des choix opérés par ces deux collectivités — on parie qu’aucunes personnalités qualifiées et éclairées n’ont été associées à la méthode et à la sélection ?

La piètre qualité visuelle déversée sur le citoyen au prétexte de générosité participative est déjà une mauvaise affaire. On peut s’interroger aussi sur les réels avantages de coûts pour produire de tels logos, annoncés à grand renfort de communication. Nous avons demandé à Francois Lesaffre et Christian Nzaloussou, Avocats, un regard.



L’œil des juristes


En 2015, la région Centre – Val de Loire fait savoir que « pour répondre à l’urgence, la direction de la communication a proposé une adaptation de notre logo actuel sans que le résultat ait été réellement satisfaisant ».

Ce logo adapté du précédent apparaît aujourd’hui encore sur le site de la région :


L’idée était, selon ce qu’il est expressément indiqué de « limiter absolument les coûts pour la collectivité » (http://www.regioncentre-valdeloire.fr/accueil/lactualite-de-la-region-centre/actualites-vie-democratie/nouveau-nom-nouveau-logo.html).

La région Hauts-de-France, à son tour, en 2016, publie un logo, résultat d’un concours ouverts aux étudiants d’écoles de design et d’un autre ouvert à tout habitant des Hauts-de-France. Un jury a retenu trois logos dessinés par les étudiants et trois provenant du second concours. Ces six ont été soumis au vote des habitants des Hauts-de-Seine qui en on choisi un (http://www.hautsdefrance.fr/nouveau-logo-region/).

Pareillement, ce logo apparaît aujourd’hui encore sur le site de la région :


L’école gagnante du concours, l’ÉSAD d’Amiens a reçu une dotation de la région de 5000 €, celle arrivée en deuxième position de 2500 € et la troisième de 1000 €.

Il n’est pas besoin d’être designer pour s’étonner que ces deux nouvelles régions n’aient pas fait appel à un professionnel pour la création d’un logo.

La délibération de la région Hauts-de-France soumise au vote précise que le logo retenu à l’issue de celui-ci pourrait être modifié (http://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/voici-le-nouveau-logo-de-la-region-hauts-de-france-1043855.html).

La région Centre-Val de Loire dit elle-même que le résultat n’est pas réellement satisfaisant. Elle a réalisé des économies, ce qu’elle souhaitait faire.

Est-ce réellement le cas de la région Hauts-de-France qui a dû supporter le coût des concours et du vote qu’elle a organisés, outre une dotation globale de 8500 €.

En admettant qu’une économie ait été réalisée, justifiait-elle le choix de se priver d’un designer ayant terminé ses études et acquis au moins un peu de métier ?

Ce n’est pas parce que la dépense réalisée est modique qu’il n’y aurait lieu de s’interroger sur le point de savoir si les deniers publics ont été bien utilisés. La recherche de la satisfaction des besoins des personnes publiques passe ordinairement par un marché public. Les principes des marchés publics tendent à assurer l’efficacité de la commande publique. Il s’agit de rechercher l’offre économiquement la plus avantageuse.

Dans une décision en date du 26 juin 2003 (au point 18), le Conseil constitutionnel impose le respect d’un certain nombre de principes en matière de commande publique dont le bon usage des deniers publics (http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2003/2003-473-dc/decision-n-2003-473-dc-du-26-juin-2003.861.html).

Les principes des marchés publics concernent tous les marchés quel que soit le montant de ceux-ci. La Cour de Cassation le rappelle à propos d’un marché dont le montant était de 5850 € pour donner raison à une cour d’appel d’avoir sanctionné un maire ayant illicitement évincé un candidat (Cass. Crim. 14-02-2007 N° de pourvoi 06-81924 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000017778632&fastReqId=469284718&fastPos=1).

Il n’est pas question de dire ici qu’une faute, surtout pénale, aurait été commise mais de constater l’amateurisme avec lequel la région Hauts-de-France a agi, le peu de sérieux de sa démarche pour obtenir un logo satisfaisant. Si la région a un problème juridique, fera-t-elle appel à un étudiant en droit ? Si elle doit construire un bâtiment, éliminera-t-elle l’architecte pour retenir un étudiant en architecture ?

Était-il avantageux de dépenser 8500 € auxquels s’ajoute le coût de l’organisation de deux concours et d’un vote qui ne doit pas être mince, pour avoir un logo dont la région dit elle-même qu’il pourrait être modifié. Il aurait sans doute été plus raisonnable de faire appel à un professionnel.

En réalité, il semble bien que nous ayons assisté à une opération de communication non exempte de démagogie en vue d’avoir « un logo créé par ses habitants et choisi par eux » (http://www.hautsdefrance.fr/nouveau-logo-region/).


Francois Lesaffre, Avocat, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
et Christian Nzaloussou, Avocat, docteur en droit public