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HISTORIQUE ! #Statut #designers : un statut social unique pour tous les auteurs d’œuvres de design

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Des inégalités de traitement social et fiscal des entreprises individuelles exerçant le design existaient à cause de règles administratives archaïques. Fruit d’un long travail de sensibilisation, d’explication et de revendication de la part de l’AFD auprès des pouvoirs publics, un décret relatif à la nature des activités et des revenus des artistes auteurs intègre enfin les auteurs d’œuvres de design sans distinction de discipline. Les designers indépendants peuvent enfin choisir un statut unique. Voici 15 ans de persévérance en quelques dates.


Les années 2000 : les alertes lancées par l’AFD


Suite à la disparition du Syndicat national des graphistes (SNG) fin 2001, l’Alliance française des designers (AFD) est créée en janvier 2003 sur le modèle d’organisations professionnelles de pays où le design est reconnu. Le but de l’AFD est de former le syndicat pluridisciplinaire d’une seule profession, celle de designer, rassemblée autour de ses disciplines spécialisées, pour donner à la profession une véritable visibilité et peser sur les décisions qui déterminent ses conditions d’exercice. L’AFD adopte la classification internationale et européenne des professions en trois grands ensembles : le design d’espace, le design graphique et le design d’objet. L’AFD fusionnera les 5 principaux syndicats professionnels du design. C’est la première fois en France qu’un tel mouvement fédérateur se concrétise. (Lire plus : Une Histoire des syndicats de designers en France et Qu’est-ce que l’Alliance française des designers.)

En 2005, suite au départ à la retraite du titulaire SNG pour les graphistes, l’AFD partage avec le Syndicat des designers textile (SNDT) un siège à la commission professionnelle de la Maison des artistes (MDA). Aux côtés des autres organisations des arts visuels (arts plastiques, sculpture, textile, illustration, galeries…) elle remplit sa mission de défense des intérêts des graphistes. L’AFD sensibilise les organisations d’artistes et les pouvoirs publics aux nouvelles réalités de terrain et aux évolutions des pratiques professionnelles du design qui, dans un monde qui se numérise et se mondialise, devient pluridisciplinaire, transversal et très concurrentiel — le design attirant de plus en plus d’indépendants. Le terme de designer graphique est préféré à graphiste, faisant écho au terme de designer textile, déjà en usage à la MDA et au terme générique d’une seule profession, “designer”.

Le design étant classé dans les activités des Arts graphiques et plastiques, le design de produit étant déjà présent à la MDA par la discipline du textile, l’AFD explique que la mise hors champ des designers d’espace et d’objets du statut social Agessa-MDA n’est pas fondée au regard de l’activité intellectuelle et créative ; pire, c’est une aberration au sens du Code de la propriété intellectuelle qui produit de l’inégalité sociale et de la concurrence déloyale au sein de la profession de designer. L’AFD revendique la prise en compte de toutes les disciplines du design dans le champ d’activité de la MDA. Cette idée ne fait pas l’unanimité auprès des pouvoirs publics, qui connaissent mal le design et se réfèrent à un texte du Code général des impôts, ni auprès de quelques organisations professionnelles des artistes, qui semblent redouter de perdre leurs prérogatives. Octobre 2006, l’AFD dénonce cette situation au président du conseil d’administration de la Maison des artistes-sécurité sociale, par une lettre Il faut réformer la sécurité sociale des designers indépendants. On renvoie vers les ministères de tutelle. Dès lors, l’AFD adopte une démarche de coopération très suivie sur ce sujet avec les services du ministère de la Culture et celui des Affaires sociales. L’AFD devient membre de l’Intersyndicale des arts visuels (Usopav) pour faire entendre sa voix.

En mars 2007, l’AFD adresse une lettre aux candidats à la présidence de la république, Designer, un métier en quête d'identité, qu’elle ré-adresse au Président de la République Nicolas Sarkozy.

En 2008, la position de l’AFD progresse avec l’élection d’un représentant au conseil d’administration à la Maison des artistes, les idées que l’AFD diffuse font leur chemin auprès des organisations professionnelles des artistes. Toutefois, aucune décision politique progressiste n’intervient. Le nombre de designers devant jongler avec plusieurs statuts — dont le tout nouveau auto-entrepreneur — pour exercer leur profession de façon pluridisciplinaire, augmente de façon exponentiel.


Les années 2010 : la prise de conscience des pouvoirs publics


En 2010, l’AFD alerte une nouvelle fois dans une lettre à Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication des traitements discriminatoires envers les designers. Une circulaire “modernisation des activités accessoires” intègre quelques évolutions au printemps 2011. C’est une avancée timide mais encourageante, les pouvoirs publics prennent conscience de problématiques énoncées par l’AFD : leur réalité ne peut plus être ignorée à mesure que croît le nombre de designers indépendants. Les alertes de l’AFD sur la paupérisation, pouvant être perçues comme marginales — peu d‘emplois salariés, les mirages de l’indépendance, pas de formation continue — sont réellement des enjeux sociétaux.

Dès lors, avec l’aide de ses partenaires, Designers Interactifs, la Cité du design, le Lieu du design, Lille design, le VIA, Paris Design Week… l’AFD accentue l’information aux designers, étudiants, salariés, porteurs de projet… avec le module “Profession designer : quel statut pour exercer ?” afin qu’ils puissent préparer mieux leur activité s’ils ont pour objectif d’être affiliés à la MDA. Ce module est aujourd’hui augmenté et proposé à la formation continue.

Septembre 2012, l’AFD écrit au Premier ministre et aux ministres concernés par l’avenir des professions du design. Janvier 2013, la mise en œuvre d’un rapport des inspections générales des affaires sociales et des affaires culturelles sur le régime des artistes auteurs est annoncée. La création d’un organisme unique pour la gestion du régime de sécurité sociale des artistes est préconisée. Le sentiment d’être entendu par les pouvoirs publics arrive enfin. L’AFD quitte l’intersyndicale Usopav, avec laquelle elle n’est plus en phase sur la réforme des retraites et du statut de l’artiste auteur.

Avril 2013, Aurélie Filippetti annonce la modernisation du statut des designers. L’avis des designers est recueilli via un sondage AFD. La coopération entre l’AFD et les services du ministère de la Culture et ceux du ministère de l’Industrie, deux tutelles du design,  permet de faire bouger les lignes dans les esprits. Malgré tout, le ministère des Affaires sociales reste sur sa réserve. Il est pourtant décisionnaire pour aller au bout de la réforme espérée.

En 2014, dans l’attente d‘évolution de textes législatifs, le ministère de la Culture confirme à la Commission professionnelle de la Maison des artistes sa compétence pour affilier les designers qu’elle reconnaîtrait comme auteurs, ceci sans distinction de discipline. L’AFD, seule voix légitime pour le design au sein d’une commission de onze membres, a bien du mal à se faire entendre. Les discussions antagonistes au sein de cette commission sont à leur paroxysme. L’AFD dénonce les dysfonctionnements et écrit à la ministre Qui peut refuser le titre d’auteur aux designers.

Début 2015, l’AFD lance une pétition Halte à la discrimination administrative des designers indépendants, qui recueille les signatures des grands noms du design. L’AFD menace de porter le litige devant les tribunaux, elle écrit La Maison des artistes, sa Commission professionnelle et la CPAM ne respectent pas la loi. L’AFD souhaite se porter au tribunal des affaires sociales aux côtés des designers de produit évincés de la MDA, pourtant affiliés depuis de nombreuses années.

Printemps 2015, l’AFD et l’Union des photographes professionnels (UPP) militent pour la réunion des professions créatives au sein d’une Agessa-MDA unie, la pétition Un guichet unique pour tous est publiée. Le but est de simplifier ce régime et d’obtenir l’organisation de commissions professionnelles par collèges d’activité, afin que les designers y soient représentés par leur syndicat et non plus par ceux des peintres, des sculpteurs ou des galeristes. S’appuyant sur les recommandations de la Commission européenne quant au statut de l’artiste en Europe, l’AFD publie Régime des designers indépendants : le risque de dé-salarisation est un faux problème. Elle obtient une audience avec la Sénatrice Catherine Morin-Desailly, qui porte le débat à l’Assemblée nationale. 

Mars 2016, l’AFD confie à deux avocats experts l’étude du champ d’application de la Maison des artistes. Il est conclu que l’exclusion des designers de la sécurité sociale des auteurs peut être prétendue illégale. Un dossier juridique de référence, Leonard de Vinci exclu de la sécu des auteurs !  publié par l’AFD, est adressé à la Commission professionnelle de la MDA et à la commission des affaires sociales qui travaille sur la modernisation de ce statut. Et, las des discussions qui n’aboutissent pas et des décisions aberrantes, l’AFD envahit la commission professionnelle de la Maison des Artistes le 12 mai 2016.

En juin 2016, la question du statut des designers est posée au Sénat par M. Rachel Mazuir. L’AFD et l’UPP, reçues au cabinet de la ministre Mme Azoulay, défendent des positions communes sur les évolutions du statut Agessa-MDA. La volonté de poursuivre la politique de modernisation commencée en 2013 est partagée par la ministre de la Culture, qui adresse début 2017 un courrier au directeur de la MDA et à la commission professionnelle de la MDA précisant que le régime ne pouvait exclure les designers. Un courrier similaire a également été adressé à Madame Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales.

Avril 2017, l’AFD adresse sa “traditionnelle” Lettre aux candidats à l’élection présidentielle. En octobre l’AFD adresse une lettre au Président Emmanuel Macron pour une politique nationale de design. Pour la première fois en 15 ans, une réponse nous est adressée par Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée. En décembre, l’AFD adresse à la ministre de la Culture Françoise Nyssen une lettre dans laquelle l’AFD réaffirme sa volonté de voir évoluer des textes datant de plusieurs décennies et ses souhaits concernant la gouvernance et les commissions professionnelles du nouveau régime.

Juin 2018 marque l’arrivée des scénographes à la Maison des artistes. Dans un communiqué de presse, Françoise Nyssen, ministre de la Culture et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé, « réaffirment l’importance d’une couverture sociale adaptée et de qualité pour les artistes auteurs ». Cette convergence est une étape clé qui montre l’évolution du ministère précédemment appelé Affaires sociales. Les consultations s’accélèrent, l’AFD invite les professionnels à s’exprimer sur la réforme de la sécurité sociale et du régime de retraite des designers auteurs à l’Agessa-MDA. Début juillet, l’AFD et l’UPP, qui représentent plus de 42 % des affiliés du régime et plus de 60 % des cotisations, adressent leurs propositions pour le régime social des artistes auteurs à la ministre de la Culture. En novembre, l’AFD communique avec ses partenaires, sur la marche de cette réforme, l’évolution du statut du designer.

De 2018 à 2019, dans le cadre de la réforme de la sécurité sociale voulue par le Président de la République Emmanuel Macron, des réunions de concertations sont organisées au sujet des professions créatives, auxquelles participent les organisations professionnelles des arts visuels. En avril 2019, le ministre de la Culture Franck Riester confie à Bruno Racine, conseiller maître à la Cour des comptes, une mission prospective sur l’état des mutations que les activités de création ont pu connaître ces trente dernières années. Cette réflexion globale doit permettre d’adapter les politiques publiques existantes en faveur des artistes, auteurs et créateurs. Auditionnée, l’AFD renouvelle son argumentation sur la légitimité des designers à intégrer le statut d’artiste-auteur. L’AFD et l’UPP poursuivent leur coopération, affirmant une vision commune d’un régime ouvert sur les pratiques artistiques professionnelles modernes, en prise avec les réalités entreprenariales. 


2020, l’aboutissement d’un long cheminement

Fin janvier 2020, le rapport Racine sur le statut des artistes-auteurs, L’auteur et l’acte de création, est remis au ministre et publié. Il propose une synthèse éclairée et complète, où les recommandations de l’Alliance France Design pour la profession de designer sont parfaitement intégrées.

Mars 2020, le projet de décret relatif à la nature des revenus artistiques et à leur qualification ainsi qu’à la composition du conseil d’administration de l’organisme agréé en charge de la gestion de l’affiliation, de l’action sociale et de l’information délivrée aux artistes-auteurs, est adressé aux organisations professionnelles. L’esprit de la classification internationale et européenne préconisé par à l’AFD — les trois grands ensembles de disciplines du design (espace/graphisme/produit) — émane de l’article 1 du décret, qui précise que :

« […] sont affiliées au régime général :

« 3° Branche des arts graphiques et plastiques :
— auteurs d’œuvres originales, graphiques ou plastiques, mentionnées à l'article R. 122-3 du code de la propriété intellectuelle ;
— auteurs de scénographies de spectacles vivants, d’expositions ou d’espaces ;
— auteurs d’œuvres du design pour leurs activités relatives à la création de modèles originaux ; »


La profession de designer, composée de multiples disciplines spécialisées, est ainsi reconnue. La France rattrape, enfin, un retard de plus de 40 ans (sur l’Allemagne par exemple), en proposant aux designers exerçant en tant qu’entreprises individuelles un unique statut, moderne, digne du meilleur niveau social au plan européen, à même de leur permettre de se concentrer sur ce qu’ils savent faire le mieux : créer, inventer, innover.


Remerciements

Le conseil d’administration de l’AFD, au nom des designers, se réjouit de cette belle avancée, qu’elle qualifie d’historique, et remercie les ministres du gouvernement :
  • le Premier ministre, Jean Castex ;
  • le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran ;
  • le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire ;
  • la ministre de la culture, Roselyne Bachelot-Narquin ;
  • le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, Olivier Dussop.

L’AFD remercie aussi tous ceux avec qui l’AFD a travaillé en bonne coopération, qui ont œuvré pour moderniser le statut des designers en France :
  • les ministres de la Culture Fréderic Mitterrand, Aurélie Filippetti, Fleur Pellerin, Audrey Azoulay, Françoise Nyssen et Franck Riester ;
  • les équipes du ministère de la Culture, notamment Fabrice Benkimoun, Etienne Busson, Fabrice Charrier, Juliette Chevalier, Denis Declerck, Karine Duquesnoy, Benjamin Ferras, Delphine Fournier, Claire Guillemain, Stephan Kutniak, Jean-Marc Lauret, Anne-Marie Le Guével, Maria Gadiaga, Clara Garnier, Isabelle Petit, Béatrice Salmon, Romane Sarfati , Jennifer Thiault, tout particulièrement Kenza El Abbassi, Pauline Gay, Pascal Murgier et Pierre Oudart ;
  • les équipes du ministère des Solidarités et de la santé, notamment Anne Clausse, David Hoyrup et Jean-Louis Rey ;
  • les équipes du ministère de l’Économie et des finances, notamment Guy Le Goff ;
  • les bénévoles membres du conseil d’administration de l’AFD, en particulier Marie-Noëlle Bayard, François Caspar, Olivier Damiens, Christian Ghion, Christophe Lemaire et Olaf Mühlmann ;
  • les consultants de l’AFD pour leur expertise précieuse : Philippe Langlois, Etienne Delattre et tout particulièrement Alain frei ;
  • les bénévoles membres du conseil d’administration de l’Union des photographes professionnels pour son soutien à la cause des auteurs designers, et tout particulièrement Christian Chamourat, Serge Deleu et Philippe Bachelier.

 

Enfin, l’AFD remercie ses membres qui, par leur cotisations, ont encouragé les bénévoles à persévérer dans cette action.